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Conception parasismique des ponts en béton armé : Normes et Pratiques”

Historique

Le séisme de San Fernando en 1941 aux États-Unis a provoqué l’effondrement d’un nombre significatif de ponts, déclenchant ainsi une réflexion approfondie sur les normes de conception sismique des ponts. L’American Association of State Highway and Transportation Officials (Association américaine des responsables des autoroutes et des transports) a pris l’initiative de développer des recommandations en matière de conception parasismique des ponts.

En 1982, le guide “Seismic Design of Highway Bridges” (Conception Sismique des Ponts Autoroutiers) a été publié et mis en application dans toutes les régions des États-Unis. Ce guide est en constante évolution, avec des améliorations continues, notamment l’intégration du spectre de réponse élastique, tenant compte du facteur de comportement et du facteur de risque.

Cette évolution constante des normes de conception sismique des ponts témoigne de l’engagement continu à garantir la sécurité et la résilience des infrastructures face aux séismes.

Dommages des ponts en béton armé lors d’un séisme

L’étude des conséquences des séismes précédents nous apporte une précieuse compréhension des différents types de dommages susceptibles d’affecter un pont en cas de secousse sismique. Cette connaissance est essentielle pour une conception optimale des ponts. Les origines de ces dommages peuvent être classées comme suit :

a) Déplacements excessifs relatifs des tabliers et des appuis :

  • Importants déplacements des appareils d’appui et ruptures d’appuis.
  • Déplacement des appuis (piles, culées, etc.).
  • Déplacements inégaux des têtes de piles.

b) Manque de ductilité et erreurs de dimensionnement :

  • Rupture fragile due à un confinement insuffisant du béton.
  • Insuffisance de l’ancrage.
  • Flambement des armatures longitudinales.
  • Rupture des zones d’encastrement.
  • Rupture par flexion ou effort tranchant.

c) Problèmes liés aux sols de fondation :

  • Liquéfaction des sols.
  • Augmentation des oscillations dans les fondations profondes en raison de la diminution de la réaction du sol.

La rupture des ponts peut se produire soit par cisaillement, soit sous l’effet des forces de flexion.

Comprendre ces modes de dommages est crucial pour une conception parasismique efficace des ponts en béton armé, visant à renforcer leur résistance et leur capacité à résister aux secousses sismiques.

Bases de conception parasismique

Généralités :

La conception des ponts courants reste généralement inchangée en ce qui concerne la résistance aux séismes, sauf dans les zones à risque sismique élevé. L’emplacement, la structure de base et le type de pont demeurent généralement les mêmes. L’attention principale lors de la conception se porte sur les appuis du pont, en particulier sur l’interface entre les appuis et le tablier. Les forces exercées sur les piles et les culées peuvent devenir considérables, en particulier lorsque le tablier est solidement encastré à des appuis rigides, notamment au niveau des culées, pour supporter des structures de grande taille et de poids élevé. Les mêmes critères de sélection du type de pont s’appliquent généralement aux zones non sismiques.

L’analyse du risque sismique se concentre principalement sur les aspects suivants :

  • Réduction de la masse du tablier pour diminuer les forces sismiques exercées sur les appuis.
  • Garantie de la continuité mécanique dans la structure, renforçant ainsi sa résistance et sa capacité à absorber l’énergie sismique (ductilité).
  • Évitement de la conception de tabliers isostatiques indépendants, particulièrement pour les ponts à plusieurs travées, pour éviter tout choc entre les éléments.
  • Exploration de l’option de l’encastrement des piles sur le tablier, en les reliant à deux piles voisines pour former un portique, une solution de conception parasismique efficace, notamment dans les zones à forte sismicité ou pour les ponts dotés de piles de grande hauteur.

Cette approche vise à garantir la sécurité et la résilience des ponts en béton armé lors de séismes, tout en préservant leur intégrité structurelle.

Implantation du pont :

Il revêt une grande importance d’éviter la construction d’un pont à proximité d’une faille active, à moins d’une distance d’environ un demi-kilomètre, en particulier dans les zones où les séismes sont d’une grande violence, ne correspondant pas aux spectres réglementaires établis. En outre, il existe un risque potentiel de déplacements rémanents du sol. En pratique, il peut s’avérer complexe de déterminer avec précision l’activité en cours des failles, il est donc vivement recommandé de solliciter l’expertise d’un spécialiste en la matière. La possibilité de liquéfaction du sol de fondation est un autre paramètre crucial à prendre en considération lors de la planification de l’emplacement de la structure, en particulier si ce risque est largement répandu. Si la localisation ne peut pas être modifiée, il est impératif de garantir que la structure repose sur des sols présentant des caractéristiques adéquates sous les couches susceptibles de liquéfaction, tout en prévoyant un système de drainage efficace. Cette approche permet de minimiser les risques sismiques potentiels et d’assurer la stabilité de l’ouvrage.

Tablier :

Lors d’un séisme, le comportement des tabliers de ponts demeure généralement dans le domaine élastique (ou quasi-élastique) et ne présente généralement pas de perturbations majeures. Cependant, la conception des tabliers pour les ponts courants doit intégrer plusieurs mesures pour garantir un comportement mécanique optimal de la structure en cas de séisme :

  1. Limiter les déplacements du tablier par rapport à ses appuis est essentiel pour éviter tout risque de désolidarisation.
  2. Éviter tout choc entre le tablier et les culées ainsi que les piles, car ce phénomène ne peut pas être modélisé et implique des quantités significatives d’énergie cinétique.
  3. Prévenir la rupture fragile résultant du manque de ductilité de toute ou partie de la structure, en particulier dans les zones critiques telles que la base des fûts de pile.

Appuis :

Les appuis, notamment les piles et les culées, sont soumis à des forces d’inertie considérables, largement supérieures aux forces horizontales habituelles engendrées par le vent ou le freinage. Par conséquent, leur conception nécessite une attention particulière en ce qui concerne les risques sismiques. Les forces horizontales en jeu dépendent principalement de la flexibilité des piles et du choix de la liaison entre le tablier du pont, d’une part, et les piles et les culées, d’autre part. La sélection de cette liaison revêt une importance capitale pour le concepteur, car elle influence grandement le choix des appareils d’appui.

Les piles :

Pour les ponts courants avec des piles de faible hauteur (< 15 mètres), plusieurs points méritent d’être notés :

  • Lorsque des appareils d’appui en élastomère frettés sont utilisés, la souplesse des piles peut généralement être négligée en première approximation par rapport à la souplesse des appareils d’appui. En conséquence, les coffrages des piles peuvent souvent demeurer inchangés par rapport aux zones non sismiques. Seule la conception du ferraillage des piles doit être adaptée pour tenir compte de l’action sismique. Dans les zones de sismicité modérée à élevée, il peut être nécessaire d’apporter de légères modifications au coffrage.
  • Lorsque des appareils d’appui fixes sont utilisés, les piles de faible hauteur restent généralement relativement rigides, même si elles ont une faible inertie. Cela entraîne généralement une période d’oscillation de la structure assez courte, proche du palier du spectre sismique. Il est donc recommandé d’éviter l’utilisation de piles trop flexibles qui pourraient ne pas convenir aux charges en service, telles que les chocs de véhicules lourds ou le risque de déraillement. Les appuis composés d’un voile en béton armé d’une épaisseur de 50 cm à 1 mètre, offrant un équilibre entre souplesse et rigidité, sont généralement bien adaptés.
  • Dans le sens transversal, la conception habituelle de piles rigides ne pose généralement pas de problèmes car elles sont capables de supporter les charges sismiques sans difficulté majeure. Par conséquent, il est possible de conserver les dimensions habituelles des piles et de dimensionner le ferraillage en conséquence, en veillant à garantir une bonne ductilité des piles pour une performance sismique adéquate. Cette approche vise à optimiser la conception des piles de ponts courants en vue de leur résistance aux séismes, tout en maintenant leur intégrité structurelle.

Les culées :

Il est préférable d’éviter autant que possible la construction de culées à mur de front de grande hauteur (> 10 mètres). Lors de la conception, il convient de dimensionner le sommier et les murs de retour de la culée avec prudence, en veillant à ne pas créer des culées excessivement massives susceptibles de générer des forces horizontales considérables. Une option à envisager pourrait être la réalisation d’une culée creuse afin de réduire la pression exercée par les terres, ou bien l’extension des travées riveraines, si cela permet à la fois de concevoir une culée enterrée et de significativement réduire la hauteur du remblai.

Dans le cas des culées enterrées, la prise en compte des forces horizontales engendrées par un séisme conduit généralement à la nécessité de soutenir le sommier de la culée non pas simplement par des fûts avec des inerties constantes, mais plutôt par des voiles présentant des inerties variables.

En ce qui concerne les culées fondées en surface en tête du remblai, leur utilisation est généralement proscrite, sauf si des justifications spécifiques sont fournies, notamment en ce qui concerne leur stabilité contre les glissements importants, en prenant en compte les effets sismiques. Cette approche vise à optimiser la conception des culées de ponts en vue de renforcer leur résistance aux séismes tout en minimisant les risques liés à leur hauteur et à leur masse.

Système d’isolation (appareils d’appuis)

Généralités :

Le principe de l’isolation à la base repose sur l’idée que si l’on parvient à augmenter suffisamment la période de vibration d’une structure pour la faire diverger significativement de la période d’excitation principale d’un séisme, alors les accélérations transmises à la structure (et par conséquent, les forces d’inertie) sont considérablement diminuées. Toutefois, cette augmentation de la période entraîne des déplacements plus importants concentrés au niveau de l’isolateur. Par conséquent, l’intégration d’un dispositif de dissipation d’énergie (amortissement) dans l’isolateur est nécessaire pour contrôler ces déplacements et parvenir à un compromis satisfaisant entre la réduction des forces et l’augmentation des déplacements.

Les appareils d’appui en élastomère reposent sur le principe de l’appui fretté et sa capacité à se déformer latéralement. Il existe plusieurs variantes dans cette catégorie d’appuis, notamment les appuis frettés équipés d’élastomères à fort amortissement, grâce à un mécanisme d’hystérésis interne. Cependant, l’isolateur à base d’élastomère est un type spécifique d’appui fretté qui intègre un noyau de plomb à l’intérieur de l’appui. Cette technologie offre une solution efficace pour améliorer la résistance sismique des ponts et des structures en général.

Les systèmes d’isolation basés sur l’élastomère présentent certaines limitations principales, notamment:

  1. Sensibilité aux variations thermiques : La rigidité de l’élastomère augmente à mesure que la température diminue, ce qui peut affecter la performance de l’appareil d’appui par temps froid.
  2. Instabilité de l’appui : La résistance à la charge verticale de l’appui diminue à mesure que la déformation latérale augmente, ce qui peut compromettre la stabilité structurelle.
  3. Dimensions de l’appui : Les dimensions de l’appui, en particulier sa hauteur, peuvent poser des contraintes pratiques, notamment dans le cadre de projets de réhabilitation.

Dans la mesure du possible, on privilégiera une conception classique qui prévoit un tablier indépendant des piles. La liaison entre le tablier et ses appuis sera réalisée à l’aide d’appareils d’appuis en élastomère fretté. Les dispositifs d’appuis couramment utilisés incluront principalement les appareils d’appuis classiques, tels que les appareils d’appuis en élastomère fretté et les appareils d’appuis à pot. Le recours à des équipements spéciaux tels que des systèmes d’amortisseurs ou des transmetteurs d’efforts, qui sont complexes et coûteux, ne sera justifié que dans des cas exceptionnels.

La prise en compte du séisme longitudinal dans la conception de ponts implique diverses options, notamment :

  1. Placer le tablier sur des appareils d’appuis en élastomère fretté, une solution adaptée aux ouvrages routiers.
  2. Bloquer les déplacements du tablier en utilisant des appareils d’appuis fixes ou des butées sur une ou plusieurs piles.
  3. L’encastrement du tablier sur les piles, créant ainsi un portique pour éviter l’utilisation d’appareils d’appuis spéciaux, principalement pour les ponts ferroviaires.
  4. Bloquer le tablier sur les culées, une option envisageable uniquement pour les ponts ferroviaires situés dans des zones de faible sismicité, car cela engendre d’importants efforts sismiques.

Quant à la prise en compte du séisme transversal, le choix des appareils d’appui influence principalement la répartition des forces sismiques transversales entre les piles et les culées. Par exemple, l’utilisation d’appareils d’appuis en élastomère fretté sur les piles et de dispositifs unidirectionnels sur les culées (avec un blocage transversal) permet de réduire les forces sismiques transversales sur les piles.

D’autres considérations de conception incluent :

  1. Le contrôle du déplacement transversal de l’ouvrage au niveau des culées pour prévenir les dommages courants observés lors de petits séismes, tels que la détérioration des équipements comme les dispositifs de retenue, les joints de chaussée et l’étanchéité.
  2. La prévention de la rotation de l’axe vertical du tablier en cas de séisme transversal.
  3. Pour les ouvrages courants, l’absorption des effets du séisme transversal au niveau des culées est généralement la solution la plus pratique.

La conception parasismique des ponts doit prendre en compte ces options pour garantir la sécurité et la résilience de ces infrastructures en cas de séisme.

Fondations

Le choix du système de fondation pour la résistance aux forces sismiques repose sur divers facteurs, notamment les caractéristiques du sol, la facilité de construction et les coûts. Plusieurs options structurelles sont envisageables, parmi lesquelles on trouve :

  1. Groupe de pieux
  2. Micro-pieux et barrettes
  3. Colonnes ballastées

La sélection du concept structural approprié dépendra de l’ensemble de ces considérations pour assurer une fondation solide et résistante aux séismes.

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